Définition de la Micronutrition

Une nouvelle démarche de soin
La prévention et l'accompagnement des pathologies prennent une part croissante dans les préoccupations des médecins, du grand public et bien sûr des responsables de santé publique.

En effet, quelle est la branche de la pathologie ou de la prévention des maladies qui peut aujourd'hui ignorer l'intérêt d'un apport satisfaisant en micro nutriments ? Dans une médecine qui devient de plus en plus métabolique et explicative, leur importance se dévoile un peu plus chaque jour. Ainsi les notions de besoins micronutritionnels supplémentaires occasionnées par telle ou telle situation physiologique ou pathologique ou tel ou tel type de comportement alimentaire ou de mode de vie, devraient maintenant faire partie des connaissances de base de tous médecins de ville.

Parler de micronutrition exige avant tout d'apporter une définition exhaustive à ce néologisme. micronutrition suggère l'idée qu'il s'agit d'une discipline scientifique, dont les applications pratiques doivent rester avant tout, médicale. Il est important que les médecins et leurs partenaires maîtrisent les risques, les avantages et les limites que l'on peut attendre des produits diététiques et des compléments alimentaires.

La micronutrition est donc une nouvelle démarche de soin qui englobe l'étude clinique, physiologique et biologique, ainsi que la prise en charge des déséquilibres et des déficiences en macro- et micronutriments, leurssynergies et leurs antagonismes d'action.
Plus spécifiquement elle étudie le rôle des acides gras essentiels, des vitamines, des oligo-éléments, des acides aminés, des probiotiques et des neuromédiateurs ainsi que les phénomènes biochimiques et cliniques liés au stress oxydatif, à l'exercice physique, à l'équilibre de la flore intestinale, à l'immunologie…
Elle intègre aussi des sciences plus récentes telle que la nutrigénétique ou l'hormonothérapie anti-âge.

Un peu d'explications sur l'origine des déséquilibres micronutritionnels...

L'alimentation quotidienne doit apporter à chaque individu une quantité suffisante de macronutriments (protéines, lipides, glucides) et de micronutriments (vitamines, minéraux et oligo-éléments) pour assurer la couverture de l'ensemble de ses besoins.

Pour chaque nutriment on a définit, en France, l'apport permettant de couvrir les besoins physiologiques de la quasi-totalité de la population. On les appelle les Apports Nutritionnels Conseillés pour la population (ANC).

En 1986, l'étude "Evaluation de l'Apport Alimentaire Vitaminique en Bourgogne", en 1991 l'enquête Val-de-Marne et, plus récemment en 2003, l'étude SU.VI.MAX ont démontré qu'une grande partie de la population française ne recevait pas les ANC en vitamines, minéraux et oligoéléments.

Une étude publiée dans les cahiers de nutrition et de diététique en 1999 par Darmon et Briend démontre qu'il est difficile, voire impossible, de demander aux français de respecter les apports nutritionnels conseillés sans s'éloigner considérablement de leurs habitudes alimentaires.

L'alimentation dans les pays industrialisés présente plusieurs paradoxes apparents, elle semble :
• plus saine (les accidents liés à des intoxications alimentaires sont plus rares, les méthodes de conservation sont améliorées),
• moins carencée (les maladies comme le béribéri ou le scorbut ont disparu),
• moins riche (la ration calorique moyenne a diminué de façon importante en un siècle) et pourtant l'obésité et le surpoids ne cessent de progresser et une grande partie de la population présente des déficits micronutritionnels, comme le prouvent plusieurs études déjà citées. Ces contradictions ne sont qu'apparentes et méritent quelques explications.
La ration calorique moyenne diminue :

Entre 1960 et 1994 les Etats-Unis ont vu les apports caloriques journaliers moyens passer de 1854 à 1785 kcal (avec un pourcentage des lipides dans l'alimentation passant de 41 à 37 %) alors que la prévalence de l'obésité augmentait de 97 % chez les hommes et de 65 % chez les femmes.

En France une diminution de 15% de l'absorption calorique a été enregistrée entre 1965 et 1981. La même évolution se constate partout en Europe.

Cette réduction des apports caloriques s'explique par une diminution des dépenses énergétiques due à une modification des modes de vie : diminution du temps de travail, mécanisation de nombreuses activités manuelles, trajets effectués en voiture, généralisation des ascenseurs, augmentation du chauffage, développement de l'équipement électroménager, amélioration de l'habillement, temps libre passé devant la télévision…
La diminution des apports caloriques explique en partie les déficits micronutritionnels constatés.
En effet, il est aisé de comprendre que si nous trouvons facilement notre ration de vitamine C en absorbant 3500 calories par jour, cela est plus difficile en absorbant 1800 calories. Même si la concentration de notre ration calorique était constante en micronutriments, la réduction de moitié de l'apport calorique aboutit arithmétiquement à la diminution de moitié de l'apport micronutritionnel.

L'alimentation apporte moins de micronutriments :
Deux facteurs expliquent la diminution en micronutriments de notre alimentation :
• la réduction de l'apport calorique, qui s'est faite aux dépens des aliments riches en micronutriments,
• la diminution de la densité en micronutriments des aliments.

Les aliments riches en micronutriments sont moins consommés.
En France, notre consommation de pain et de pommes de terre, a été divisée par deux, de légumes secs par sept alors que nous mangeons deux fois plus de sucre blanc, de viande et de fromage qu'il y a cinquante ans.

La densité en micronutriments de notre alimentation a diminué.
Aujourd'hui 60% de l'apport énergétique est fourni par des aliments riches en calories et pauvres en vitamines et minéraux.
L'évolution des modes de vie (réduction du temps passé à cuisiner, repas déstructurés, repas pris en dehors du domicile, grignotage en constante augmentation, plateaux télé, distribution quasi exclusive de l'alimentation par les grandes surfaces, etc.) aggrave ce phénomène : 70% de notre alimentation provient maintenant des produits industriels.
A titre d'exemple on mangeait trois fois moins de pommes de terre en 1989 qu'en 1965 (35 kg par personne et par an contre 92 kg) mais vingt fois plus de frites surgelées…
Ces aliments industriels sont nettement moins riches en micro nutriments par suite des traitements : stérilisation, séchage par pulvérisation, pasteurisation, ionisation, écrémage, cuisson, extrusion, lavage, raffinage.

La densité en micronutriments des fruits et légumes a nettement diminué à cause :
• De l'excès d'arrosage des cultures qui "lessive" les sols et diminue leur richesse en minéraux,
• De l'excès d'engrais, de l'agriculture intensive qui, en augmentant la vitesse de croissance des plantes diminue le temps de fixation des micronutriments, 
• De l'excès d'utilisation des pesticides et des herbicides qui diminue la richesse des végétaux en vitamines en empêchant la transformation des minéraux par les micro-organismes, transformation nécessaire à une meilleure absorption, 
• Du raffinage qui enlève aux végétaux une majeure partie de leurs minéraux, 
• De la cueillette des fruits et légumes avant la maturation complète et du temps passé entre la cueillette et la consommation (par exemple quatre semaines en moyenne pour les tomates),
• Des traitements de conservation (conserve, surgélation puis réchauffage détruisant les stocks vitaminiques)

L'IEP s'est donc donné pour mission principale de former et d'informer le corps médical sur les bases et les fondements de cette nouvelle approche préventive et thérapeutique tout en travaillant auprès des pouvoirs publics et de l'Université pour que la micronutrition devienne une partie intégrante de la nutrition.
Il est probable que des efforts de recherche seront à l'avenir centrés, sur la connaissance des voies métaboliques à l'échelon du génome et notamment sur les éventuelles modifications de la transcription des gènes par les macro- et micronutriments.
Dans cette optique, l'étude de la physiologie des micronutriments, pierre angulaire de notre métabolisme semble être une voie prometteuse et d'avenir.